Comprendre la polémique autour de « Sniffy », la poudre blanche énergisante à inhaler par le nez (2024)

Offrir Le Monde
  • Les Décodeurs
  • Santé

Le gouvernement veut interdire la vente de ce produit ressemblant à la cocaïne, en vente sur Internet et dans les bureaux de tabac.

ParAdel Miliani

Publié le 28 mai 2024 à 19h38, modifié le 29 mai 2024 à 14h55

Temps de Lecture 4 min.

  • Partager
    • Partager sur Facebook
    • Envoyer par e-mail
    • Partager sur Linkedin
Comprendre la polémique autour de «Sniffy», la poudre blanche énergisante à inhaler par le nez (1)

«Tout ce qui peut détruire les jeunes et les Français en général pose problème et doit être interdit.» Lundi 26mai, sur BFM-TV, la ministre du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, s’est alarmée de la vente de «Sniffy», une substance énergisante qui seprésente sous la forme de poudre blanche à inhaler par les narines. Cette inquiétude est partagée par la Confédération des buralistes, qui s’est positionnée «contre ce produit», et par plusieurs addictologues, qui souhaitent que les pouvoirs publics interdisent la vente de ce produit aux allures de cocaïne.

Qu’est-ce que ce produit énergisant?

La marque Sniffy a été déposée à la mi-2023. Selon le site officiel du fabricant, une entreprise marseillaise, cette «poudre à sniffer» énergisante procure «un regain d’énergie instantané» pendant une durée de «vingt à trente minutes». Elle se décline en saveurs sucrées comme le fruit de la passion, le bonbon fraise et la menthe fraîche, et semble viser un public jeune: «Sniffy vous accompagnera dans de nombreuses situations: lors de vos exercices physiques, de vos études, examens, mais encore la nuit.»

Les composants du produit – la L-arginine, la caféine, la créatine, la L-citrulline, la taurine, la bêta-alanineet la maltodextrine – rappellent ceux des boissons énergisantes. L’ensemble de ces stimulants a pour but affiché de revigorer les personnes ressentant une fatigue passagère.

Sauf qu’à la différence des boissons énergisantes, cette poudre blanche doit être inhalée par le nez à l’aide d’une pipette. La pratique rappelle celle des consommateurs de cocaïne, comme le dénoncent les responsables politiques et les addictologues opposés à sa vente.

Ce produit est disponible au tarif de 14,90euros pour une fiole d’un gramme et «essentiellement mis en vente sur Internet», a affirmé à l’Agence France-Presse le président de la Confédération des buralistes, Philippe Coy, qui estime à «quelques dizaines au plus» le nombre de bureaux de tabac qui en commercialisent.

Pourquoi «Sniffy» fait polémique?

Plus que les composants, c’est le mode d’administration de ce produit qui questionne les détracteurs deSniffy. «Il ne faut pas tourner autour du pot, c’est fait pour maintenir la confusion et donner le sentiment qu’on est en train de consommer de la cocaïne, d’en avoir les effets, sans que ce soit vraiment de la cocaïne», se révolte l’addictologue Amine Benyamina, président de la Fédération française d’addictologie, qui déplore le «cynisme» du fabricant. «C’est scandaleux, sur le plan éthique et moral, de proposer une Red Bull ou une Gatorade [des boissons énergisantes] sous la forme de poudre.»

L’association Addictions France s’inquiète aussi de «la banalisation de la cocaïne» et, «circonstance aggravante», des saveurs sucrées qui «attireront les plus jeunes».

Si le geste interroge les spécialistes en addictologie et les politiques, il ne semble pas interpeller la sensibilité de l’entreprise marseillaise. «Une poudre blanche qu’on inhale par le nez? Pas d’amalgame, Sniffy est légale», ironise même la marque.

Quels peuvent être les effets indésirables?

Sur son site, le fournisseur deSniffy restreint la vente de son produit aux adultes et conseille aux consommateurs de consulter un professionnel de santé pour évaluer les risques. Puis, il recommande «de commencer par de petites doses», «d’augmenter au fur et à mesure», de ne pas dépasser «la dose quotidienne recommandée», qu’il estime à 2grammes par jour, soit l’équivalent de deux fioles, et d’éviter toute interaction avec de l’alcool ou des médicaments.

Le Monde

Soutenez une rédaction de 550 journalistes Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 7,99€/mois pendant 1 an. S’abonner

«Cette limitation de consommation ne repose sur rien de scientifique, c’est juste un moyen pour eux de se protéger sur le plan juridique, juge le professeur Benyamina. En plus, ce produit ne s’achète pas en pharmacie; un buraliste ne va pas vous expliquer la notice médicamenteuse et les limitations.»

Outre les surdosages, les effets indésirables de cette substance peuvent être similaires à ceux de la consommation de boissons énergisantes: douleurs thoraciques, hypertension et anxiété. L’inhalation peut également infliger, selon le professeur Benyamina, «des microtraumatismes dans les narines, comme aux consommateurs de cocaïne, à cause de la paille». Le fournisseur alerte d’ailleurs sur le fait que «la prudence est de mise pour préserver la santé des muqueuses nasales».

Comment peut-on légiférer sur ce produit?

Le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, Frédéric Valletoux, qui déclarait avoir découvert le produit «depuis quarante-huit heures», a annoncé sur Franceinfo, le 25mai, qu’il allait rapidement étudier les moyens juridiques pour «interdire ce type de choses». Le député (Parti socialiste) de l’Essonne Jérôme Guedj a affirmé sur le réseau social X qu’il «travaillait depuis plusieurs semaines» sur une proposition de loi pour «interdire cette simili-co*ke».

L’articleL3421-4 du code de la santé publique, qui punit le fait de présenter l’usage illicite de stupéfiants «sous un jour favorable» (cinqans d’emprisonnement et 75000euros d’amende) ou la «provocation à l’usage de substances présentées comme ayant les effets de substances ou plantes classées comme stupéfiants», pourrait être utilisé pour justifier la prohibition de ce produit énergisant.

Cependant, il paraît «compliqué, en l’état, d’interdire la vente de ce produit, assure Raphaële Tort-Bourgeois, avocate en droit pénal. Le geste et la forme [liés à] cette substance s’apparentent à de la prise de stupéfiant, mais je ne vois pas comment cela pourrait être interdit, vu que les composants ne sont pas prohibés». «C’est le volet sanitaire et médical qui pourrait faire interdire ce produit, pas le côté pénal lié aux stupéfiants, selon Mme Tort-Bourgeois. On pourrait demander à l’entreprise des précisions sur les précautions d’emploi comme sur les effets du produit qui dureraient vingtà trenteminutes. Ça vient d’où?» Contactée par Le Monde, l’entreprise n’a pas répondu à nos sollicitations.

Lire aussi : Les «puffs», ces cigarettes électroniques jetables très populaires chez les ados, bientôt interdites en France?

Avant Sniffy, les «puffs», les cigarettes électroniques jetables, prisées des jeunes, avaient fait polémique pour des questions écologiques et de santé publique. Apparues sur le marché français en2021, elles avaient fait l’objet d’une proposition de loi d’interdiction à la fin de 2022. Le texte n’a été adopté qu’en marsde cette année, après un vote à l’Assemblée nationale et auSénat, mais il doit encore recevoir l’aval de la Commission européenne, afin de vérifier si l’interdiction est conforme au droit communautaire.

Adel Miliani

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.

Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.

S’abonner

Contribuer

Réutiliser ce contenu

Services Le Monde

Découvrir

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences Testez votre culture générale avec la rédaction du Monde Mots croisés, sudoku, mots trouvés… Jouez avec nous Gagnez du temps avec notre sélection des meilleurs produits Retrouvez nos derniers hors-séries, livres et Unes du Monde

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.

Comprendre la polémique autour de « Sniffy », la poudre blanche énergisante à inhaler par le nez (2024)
Top Articles
Latest Posts
Article information

Author: Reed Wilderman

Last Updated:

Views: 6199

Rating: 4.1 / 5 (52 voted)

Reviews: 83% of readers found this page helpful

Author information

Name: Reed Wilderman

Birthday: 1992-06-14

Address: 998 Estell Village, Lake Oscarberg, SD 48713-6877

Phone: +21813267449721

Job: Technology Engineer

Hobby: Swimming, Do it yourself, Beekeeping, Lapidary, Cosplaying, Hiking, Graffiti

Introduction: My name is Reed Wilderman, I am a faithful, bright, lucky, adventurous, lively, rich, vast person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.